La réalité, c’est que la majorité est favorable à l’eugénisme. Parce que si l’on demande aux gens s’ils veulent que leurs enfants soient plus beaux, plus intelligents, plus forts et meurent plus vieux grâce à la génétique, ils répondront oui sans hésiter.
C’est pour cela que tout au long de l’histoire de l’humanité, l’eugénisme a prospéré sous couvert d’excellentes intentions. Il a toujours deux piliers : l’endogamie (les plus beaux spécimens se reproduisent entre eux) et l’élimination des inférieurs.
Pourquoi ce 2e pilier ? Parce qu’il est nécessaire dans tout système eugéniste cohérent de réserver les meilleures ressources au groupe supérieur, oui. Mais surtout parce que l’eugénisme introduit de fait un concept, celui « d’utilité sociale ».
On pourrait évoquer les systèmes de Platon, de Lycurgue, des philosophes des Lumières (Vandermonde), du Dr Marc ; gloser sur Margaret Sanger et les eugénistes qui ont présidé à la création du Planning Familial ; disserter sur le système de castes en Inde.
Parlons du nazisme parce que c’est le point aveugle de la réflexion contemporaine sur l’euthanasie. Sa spécificité dans l’Histoire, l’effroyable nombre de morts, la taylorisation du meurtre de masse nous empêchent de voir la « banalité du Mal » (Arendt).
Là où nous sommes tous d’accord, c’est qu’il faut surveiller le retour de la bête immonde. En revanche, s’imaginer que la bête en question va reprendre ses fringues vintage des années 30, c’est se mettre le doigt dans l’œil.
Car pendant que nous nous occupons à fliquer, le sourcil froncé et la main sur le cœur, la moindre résurgence de logo rouge/blanc/noir, que nous pistons les swastikas, nous ne voyons pas que nous brassons du vent.
Pendant ce temps, nous faisons « mieux » que les allemands des années 30 : pas besoin de lois raciales pour nous empêcher de mêler joyeusement nos tares génétiques, les cliniques émiraties (NMC Health etc.) nous offrent en Europe des prix Nobel blonds aux yeux bleus sur catalogue.
Et nous nous précipitons. Un enfant sur 30 né par PMA en 2018. Jacques Testart le dit : il y a des tas de PMA qui n’avaient pas lieu d’être. Mais il faut satisfaire le client sinon il va ailleurs. Et comme pour les bagnoles, on ne lésine pas sur les options.
La mentalité eugéniste est donc déjà bien ancrée chez des tas de gens très bien intentionnés. Puisqu’on va chez le doc pour concevoir et que le doc peut bidouiller. « Alors votre gamin, on le fait beau et bien portant ou malade avec une tête de cul ? » « Mmmmm… J’hésite. » SÉRIEUX.
À partir du moment où l’on donne aux gens la possibilité de ne pas faire naître des enfants qui portent des handicaps, des malformations, des maladies graves, évidemment qu’ils disent non. Personne ne souhaite cela pour soi ou ceux qu’il aime.
Et on finit par glisser du « ce n’est pas souhaitable » à « c’est invivable ». Et ce que les parents d’enfants différents, les malades et leurs proches disent devient inaudible : « c’est dur, mais une société sans nous serait inhumaine, parce que nos vies mobilisent le meilleur de tous ».
Et la logique continue à se dérouler. Si la vie d’un enfant handicapé n’est pas souhaitable, si c’est invivable à ce moment-là de la vie, ça l’est à tous les autres. C’est pour cela que PMA et euthanasie sont liés. Ainsi les Belges sont favorables à l’arrêt des soins des +80ans.
Qu’en Oregon, ton assureur ne paie plus ta chimio si elle a peu de chances de réussir. Il rembourse en revanche ton suicide assisté. On pourrait multiplier les exemples. Ce que l’on sait, c’est que la bête est insatiable. C’est le sens du fameux poème du pasteur Niemöller.
Pendant que nous posons en traqueurs de nazis qui n’existent plus (le nazisme, c’est une période de l’histoire), nous applaudissons, pauvres fous, aux nouvelles idéologies de la bête immonde, que nous ne reconnaissons pas parce qu’elle a changé de costume.
Quelle cécité collective fait que si peu de gens voient que le terme d’« homme augmenté » est le synonyme parfait de « surhomme » ? Il vous faut quoi ? Que les transhumanistes se fassent pousser une petite moustache carrée ?
Quel aveuglement volontaire vous interdit de lire les mêmes mots de compassion mortifère chez les partisans de l’euthanasie aujourd’hui, et ceux d’Hitler le 01/09/1939 : « Le Reichsleiter Bouhler et le Dr. Brandt sont chargés de la responsabilité d’étendre le domaine de compétence de certains médecins, nommément désignés, afin que les patients qui, pour autant que l’entendement humain puisse en juger après un diagnostic des plus approfondis, sont considérés comme incurables aient droit à une mort miséricordieuse. »
Et toutes les raisons actuellement évoquées l’ont déjà été à chaque période eugénique. Quand un certain courant écologique prône l’arrêt des soins pour les plus de 65 ans (cf. RT précédent), afin d’améliorer les conditions de vie des plus jeunes, c’est un vieil argument.
On le trouve longuement exposé dans « Die Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Lebens » (L’autorisation de l’annihilation de la vie dénuée de valeur) de Karl Binding et Alfred Hoche, bouquin qui a inspiré la politique euthanasique du Reich.
Mais le problème de fond, c’est que tant que l’on dira que les nazis étaient des monstres qui voulaient faire le mal, personne ne prendra la peine de réfléchir et de s’interroger sur ses propres intentions. Parce que le méchant, c’est toujours l’autre.
Les nazis étaient pour la plupart des gens comme nous qui ont fait des horreurs au nom d’une conception totalement foireuse du bien. L’enfer est pavé de bonnes intentions. On peut tous l’être.