Je commençais à apprendre les gens. À découvrir qu’ils étaient nombreux à nourrir les mêmes peurs : peur d’être exclus, peur d’être percés à jour, de ne pas être aimés, d’être indésirables ou, et c’était pire que tout, d’être inutiles.
J’appris combien les racines de ces peurs étaient fragiles, combien étaient insignifiantes à long terme les choses auxquelles tant de personnes consacrent pitoyablement leur vie. Et surtout, j’appris que pour la plupart, leur cruauté était involontaire, leur stupidité était excusable. Bref, j’appris à lire ce qu’il y a de bien en chaque être.
Je découvris la différence entre « la vérité » et « toute la vérité ». On peut connaître des choses affreuses sur quelqu’un et savoir qu’elles sont vraies. Mais cela fait une différence énorme si l’on sait ce qu’il y a d’autre qui est vrai.
J’ai lu l’histoire d’une vieille dame qui marchait dans la rue, vaquant à ses affaires ; soudain, un jeune garçon se jette sur elle, la renverse, la traîne dans une flaque de boue, la gifle et répand des poignées de fange sur ses cheveux.
Que feriez-vous d’un individu pareil ?
Mais si vous découvriez que quelqu’un a par négligence mis le feu à un baril d’essence, que la vieille dame a été éclaboussée de liquide enflammé et que le jeune homme a eu la présence d’esprit d’agir avec célérité, qu’il s’est grièvement brûlé les mains ce faisant, alors que feriez-vous ?
Pourtant, chaque détail de sa conduite est vrai. La seule différence, c’est la dose de vérité dont est chargée le récit.
Les songes superbes de Théodore STURGEON